La fin d'une imposture

Raphaël de Gubernatis - le 4 août 2011 - Le Nouvel Observateur

DESTRUCTION par GEORGE SAND de la correspondance avec CHOPIN

En 1851, on parla beaucoup d’une correspondance de George Sand à Chopin trouvée par Alexandre Dumas (fils) pendant un voyage en Silésie.
L’histoire de cette trouvaille fut présentée de différentes manières et longtemps considérée comme fausse.
Les lettres échangées à ce sujet entre Alexandre Dumas (père et fils) et George Sand, et publiées par Wladimir Karénine et Samuel Rocheblave élucident cette question.

Le 23 mai 1851, Alexandre Dumas père envoie à George Sand une page d’une lettre où son fils lui raconte la découverte de la correspondance de George Sand avec Chopin :

« Myslowitz (Myslowice), Pologne mai 1851

Tandis que tu dînais avec Mme Sand, cher père, je m’occupais d’elle. Qu’on nie encore les affinités !
Figure-toi que j’ai ici entre les mains toute sa correspondance de dix années avec Chopin. Je te laisse à penser si j’en ai copié de ces lettres, bien autrement charmantes que les lettres proverbiales de Mme de Sévigné !
Je t’en rapporte un cahier tout plein, car malheureusement ces lettres ne m’étaient que prêtées.
Comment se fait-il qu’au fond de la Silésie, à Myslowitz, j’aie trouvé une pareille correspondance éclose en plein Berry ?
C’est bien simple.
Chopin était Polonais, comme tu sais ou ne sais pas. Sa sœur a trouvé dans ses papiers, quand il est mort, toutes ses lettres conservées, étiquetées, enveloppées avec le respect de l’amour le plus pieux. Elle les a emportées, et au moment d’entrer en Pologne, où la police eût impitoyablement lu tout ce qu’elle apportait, elle les a confiées à un de ses amis habitant Myslowitz.

La profanation a eu lieu tout de même puisque j’ai été initié, mais au moins elle a eu lieu au nom de l’admiration et non au nom de la police.
Rien n’est plus triste et plus touchant je t’assure, que toutes ces lettres dont l’encre a jauni et qui ont toutes été touchées et reçues avec joie par un être mort à l’heure qu’il est.
Cette mort au bout de tous les détails les plus intimes, les plus gais, les plus vivants de la vie, est une impression impossible à rendre. Un moment, j’ai souhaité que le dépositaire, qui est mon ami, mourût subitement, afin d’hériter de son dépôt et d’en pouvoir faire hommage à Mme Sand qui serait peut-être bienheureuse de revivre un peu de ce passé mort.
Le misérable, mon ami, se porte comme un charme, et croyant partir le 15, je lui ai rendu tous ces papiers qu’il n’a pas même la curiosité de lire. Il est bon pour comprendre cette indifférence, que tu saches qu’il est second associé d’une maison d’exportation. »

Le 3 juin, Alexandre Dumas fils, écrivait directement à George Sand :

« Myslowitz (Mysłowice), Pologne 3 juin 1851.

Madame,
Je suis encore en Silésie et bien heureux d’y être, puisque je vais pouvoir vous être bon à quelque chose.
Dans quelques jours, je serai en France et vous rapporterai moi-même, que Mme Jedrzejewicz m’y autorise ou non, les lettres que vous désirez ravoir.
Il y a des choses tellement justes, qu’elles n’ont besoin de l’autorisation de personne pour se faire.
Il est bien entendu que la copie de cette correspondance vous sera remise en même temps, et de toutes les indiscrétions il ne restera rien que le résultat heureux qu’en somme elles aient eu.
Mais croyez-le bien, Madame, il n’y a pas eu profanation. Le cœur qui s’est trouvé de si loin et si indiscrètement le confident du vôtre vous était acquis depuis longtemps et son admiration avait déjà la taille et l’âge des plus grands et des plus vieux dévouements.
Veuillez le croire et pardonnez.
Recevez, Madame, l’assurance de ma parfaite considération. »

Plusieurs mois se passèrent avant que cette correspondance revînt à George Sand. Alexandre Dumas père et son fils espéraient la rendre personnellement sans jamais en trouver le temps, et le paquet de lettres annoncé fut porté par une tierce personne.
George Sand brûla toute cette correspondance de deux cents lettres avec Fryderyk Chopin.
Pourquoi ?
Etaient-elles compromettantes ?
Cette liaison, n’était-elle pas si idyllique ?

P.S.
Malgré ses promesses, Alexandre Dumas fils a fait des copies de lettres.
A suivre…..

- extrait du livre « Frédéric Chopin, sa vie et ses œuvres » d’Edouard Ganche, édité en 1937.

L’histoire continue et fatalement se répète … dirait Chopin

La personnalité de Fryderyk Chopin s’est forgée dans le contexte historique de la lutte de la Pologne pour sa survie nationale au début du XIXe siècle. Sa musique n’est pas une abstraction détachée de la réalité tragique ou heureuse de la vie du compositeur. La musique de Fryderyk Chopin est évidement inséparable de sa personnalité et fortement influencée par son vécu.

La courte vie de Chopin (1810-1849) se situe dans une période politiquement mouvementée en Europe.

Géographiquement, sur la carte européenne, la Pologne, depuis 1772 dévorée progressivement par ses voisins russes, prussiens et autrichiens, cesse d’exister. Dès 1795 elle est rayée définitivement jusqu’en 1918, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale!

Mais la nation polonaise résiste tant bien que mal à la russification, la germanisation et aux répressions. La culture, la musique et la religion sont ses références sans failles.

Varsovie, sans avoir la taille de Paris ou de Vienne, est pourtant le centre principal culturel. Durant la période varsovienne, Fryderyk Chopin puisera le meilleur de son inspiration dans son art et gardera cette signature jusqu’à la fin de ses jours. A Varsovie, il suit des cours à l’Université. Il travaille le piano avec Jozef Elsner au Conservatoire et découvre un grand nombre d’artistes et de savants qui fréquentent la maison parentale. Les discussions littéraires et patriotiques se poursuivent chaque jeudi soir. Des poètes, des musiciens, des amis sont là : Maurycy Mochnacki, Ignacy Dobrzynski, Stefan Witwicki, Bohdan Zalewski, Stanislaw Kozmian et d’autres. Le sentiment d’une haine acharnée contre le régime tsariste ne le quittera jamais.

Au moment du déclenchement de l’Insurrection de novembre 1830, Chopin se trouve à Vienne. Il est profondément bouleversé. Son premier réflexe est de vouloir rentrer immédiatement au pays. Mais après une longue discussion nocturne avec Tytus Woyciechowski, ils décident que Tytus rentrera seul et que Fryderyk restera à Vienne.

En Pologne, on attend de lui autre chose que de le voir rejoindre les rangs des insurgés. Il est tout de même présent, du moins symboliquement, dans la Varsovie insurgée. Resté à Vienne, il passe son premier Noël en solitaire et se plaint plus que jamais d’être orphelin. Avec le temps, monte en lui le sentiment d’un « exilé perpétuel ». Les viennois ne comprennent pas ses émotions patriotiques et ses sympathies politiques. La ville se montre résolument hostile à l’Insurrection polonaise…

L’armée tsariste écrase férocement l’Insurrection et une répression sanglante commence. Une rancœur profonde et une protestation révoltée marqueront Chopin à jamais.

En 1848, Fryderyk écrit à son ami Julian Fontana que des moments atroces ne leurs seront pas épargnés mais au bout du compte « il y aura une Pologne superbe, une Pologne grande, une Pologne en un mot ». Mais il ne lui a pas été donné de voir cette Pologne libre !

Et aujourd’hui ?

La réalité politique et les problèmes de la Pologne d’aujourd’hui restent semblables à celles d’il y a 200 ans. Plus que jamais, depuis 20 années, la Pologne est confrontée à l’impérialisme russe qui n’a pas supporté le détachement de cette nation rebelle de son giron.

Les tragédies n’ont pas été épargnées à ce pays éloigné géographiquement, mais pas culturellement, de l’Europe Occidentale repliée sur ses propres problèmes et qui somnole indifférente aux sorts de ses confins orientaux.

Souvenons-nous de « L’ACCIDENT » de Smolensk d’il y a deux ans, exactement le 10 avril 2010, dont la vérité sur son origine et sur son déroulement a du mal à être révélée au grand jour.

L’histoire continue et fatalement se répète… dirait Chopin !

© Aldona Budrewicz-Jacobson

2015 - Correspondances Destination Varsovie – Vidéo

Emission Correspondance présentée par Odessa Blanc, publiée sur Léman Bleu en janvier 2015

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